Les mesures environnementales sont beaucoup mises en avant. Lors de son discours en Egypte, Emmanuel Macron a promis de renforcer l’aide aux pays en développement. Cependant ces promesses, déjà faites, n’avaient pas été tenues lors de l’accord de Paris en 2015. Ces éléments permettent de se demander quelle est l’engagement réel des Etats à ce sujet.
L’environnement est un sujet extrêmement récent. Longtemps cela n’avait pas été du tout pris en compte. Descartes affirmait en effet que « l’homme doit être maître et possesseur de la nature », reprenant d’ailleurs les préceptes bibliques selon lequel Dieu a donné une primauté à l’espèce humaine vis-à-vis de la nature. Cette idée de primauté a été seulement contestée par Darwin, avec sa théorie de la sélection naturelle. Cela avait d’ailleurs créé une controverse avec les milieux religieux à son époque. Par ailleurs les révolutions industrielles du XIXème siècle ont montré que l’environnement était mis au second plan. Des penseurs socialistes comme Fourier ou Proudhon, mais également Karl Marx, n’ont jamais vraiment pris en compte la problématique de l’environnement. Dans la culture du progrès de l’époque, les civilisations cherchant à « s’insérer » dans un cadre naturel, par exemple les Navajos, étaient considérés comme « arriérés ».
On peut penser que le souci de l’environnement a été en partie le résultat de la remise en cause de la notion de progrès. Les deux guerres mondiales ont créé un traumatisme collectif concernant la notion d’usage de la science : la guerre des tranchées ou les bombes atomiques ont montré les dangers que pouvaient constituer cette notion. On a d’ailleurs créé, en partie à cause de cela, des règles transnationales, qui ont fait (un peu) avancer la vision de Kant concernant un droit universel. L’urbanisation, les pollutions ont fait avancer cette notion. On peut considérer que les premiers mouvements écologistes des années 1970 étaient minoritaires, et que leurs idées se sont progressivement imposées de plus en plus largement.
La question est de savoir aujourd’hui ce que les mesures d’aujourd’hui préparent pour le futur. Si des entreprises peuvent se servir de l’environnement pour améliorer leur image, sans réelles mesures concrètes, on peut aussi s’interroger sur l’implication réelle des gouvernements. Dans les tensions géopolitiques entre les Etats Unis et la Chine, ainsi que la guerre en Ukraine, les questions environnementales semblent secondaires. Les mesures les plus fortes peuvent sans doute venir d’acteurs du terrain : entreprises sociales ou associations. L’idée d’Albert Camus selon laquelle les actions discrètes sont au final plus efficaces est pertinente. Ce sont les actions souterraines, qui font avancer les choses, qui peuvent permettre de faire progresser de façon réaliste (même si plus modeste) cette cause. Bien entendu les nouvelles technologies peuvent avoir un impact majeur à ce sujet. Les sciences ont toujours été les moteurs du progrès humain, et les mathématiques possèdent des outils dans cet objectif que de nombreux penseurs envient (comme l’exprimait Alain Badiou dans son éloge des mathématiques). Les progrès environnementaux passeront donc sans doute d’abord par les sciences et les technologies.
Des acteurs de l’économie sociale et solidaire pensent également des notions de sobriété et de social tech. Passer par l’éducation pour sensibiliser à ces problématiques peut être payant sur le long terme. Mais, dans le monde de la compétition internationale, chercher un modèle qui combine efficacité économique et impact environnemental semble celui le plus capable de faire avancer les choses. selon moi les initiatives isolées qui respectent certes cette problématique mais qui ne cherchent pas à peser dans l’univers économique ne seront que marginaux face à des grandes entreprises polluantes. Sans être marxiste, on peut penser que Marx avait raison d’être internationaliste ; son mouvement avait été bien plus puissant dès lors qu’il avait eu comme démarche de dépasser les frontières. De la même façon il s’agit pour ces initiatives environnementales d’être encore plus ambitieuses et de se développer plus à cette échelle. Les initiatives locales sont vraiment honorables mais pas suffisamment efficaces. Prendre des initiatives dans cet objectifs ne semblent donc pas une perte de temps.
La COP 27 doit donc, à mon avis, être un prétexte pour faire avancer les choses, mais de façon plus souterraine. Les initiatives gouvernementales sont souvent insuffisantes et les promesses sont trop rarement tenues. L’esprit entrepreneurial, plus discret, semble plus efficace à long terme dans cette direction. Cela peut réellement donner, par ailleurs, une nouvelle vitalité à l’économie sociale et solidaire, ce modèle datant du XIXème siècle et qui semblait à bout de souffle.