L’idée d’avenir est très présente dans le langage courant. Cette notion apparaît beaucoup aussi dans le monde de la pensée. Ainsi un proverbe musulman proclame le fait que « l’impatience vient de satan et la patience du clément ». L’humanisme promeut également la construction sur la durée. L’idée d’investissement est quelque chose qui a toujours également baigné les idées économiques. Keynes parlait pour cette raison de multiplicateur d’investissement.
On peut constater que construire l’avenir est un credo moderne. Il est en réalité lié à la notion de progrès. Descartes mettait dans cette construction le fait que Dieu mettait l’homme maître et possesseur de la nature. De la même façon on peut constater que cette approche a permis de promouvoir les sciences, « une recherche de l’extraordinaire dans l’ordinaire ». On peut constater que l’idée d’avenir est celle d’une marche en avant, que le futur peut être considéré comme meilleur. Des penseurs comme Rousseau ont renforcé l’idée qu’un futur meilleur est à construire, en considérant l’homme moderne comme plus avancé que « le bon sauvage ». Cette idée se retrouve également dans le libéralisme qui croit à la notion de progrès. C’est la raison pour laquelle on peut affirmer que l’idée d’avenir est liée à une idée de compétition, dans une lutte pour la loi de la nature.
Des penseurs comme Hegel, dans cette approche, ont placé dans l’idée de construction et de préparation de l’avenir une place réelle. Cela se montre dans deux idées. Selon la première, la ruse de la raison, l’histoire va, malgré ses mouvements chaotiques, dans une démarche de progrès qui se retrouve au final dans le règne de la raison. La seconde, la dialectique du maître et de l’esclave, montre que le dernier va prendre l’ascendant sur la durée par les compétences qu’il acquiert au fil du temps. Ces facteurs montrent que, pour le penseur, la préparation de l’avenir peut être à terme un facteur de progrès. Son approche sera détournée par Marx qui parlera de matérialisme dialectique. Selon cette théorie, l’histoire est le mouvement de la lutte des classes, qui contient la période asiatique, féodale, capitaliste, socialiste puis communiste, avec la disparition des classes. Cependant le fait de regarder vers l’avenir est permet le succès du dépassement de cette lutte. Cela peut en un sens contraster avec Lénine qui critiquait les sociaux-démocrates et leur approche forcément optimiste sur l’avenir.
Les religions ont également abordé le thème de la préparation du futur. Le judaïsme considère que le Peuple élu doit préparer la venue du Messie et que Dieu, pendant ce temps, se met en retrait. Les Chrétiens ont également l’idée de préparer son retour. Cette approche donne une vision fondamentalement optimiste qui va se retrouver dans de nombreuses démarches religieuses. Calvin, par exemple, va considérer que l’enfer est sur terre et que la mission de l’homme est d’œuvrer pour pouvoir l’améliorer. Le monde musulman a paradoxalement connu cette approche de progrès dans les premiers siècles de son existence, mais semble avoir progressivement rompu avec cette idée. Les défenseurs de l’idée rationnelle de la foi comme Averroès ont progressivement perdu du terrain. Il s’en est suivi une méfiance par rapport à la science et des idées de progrès. Si des penseurs comme Mohammed Iqbal ont cherché à combattre cette tendance, cela n’a pas suffi à combattre ce mouvement de fond. La bataille d’Aboukir remportée par Napoléon en Egypte a constitué un traumatisme dans le monde musulman, puisqu’il a montré la supériorité technique de la France et par extension des nations européennes à l’époque. Cela remonte à aujourd’hui car des penseurs radicaux comme Sayyid Qutb ont eu comme démarche de dépasser ce sentiment de dépassement.
Cette notion d’avenir a cependant connu de nombreux freins. L’éducation, qui est censé préparer l’avenir de la société, n’est plus regardée comme avant. Cela n’est cependant pas le cas partout. Ainsi la Chine, en investissant massivement dans l’éducation, a en partie pour cette raison sorti 800 millions de personnes de la pauvreté en 40 ans. Le fait de se situer dans un cadre éducatif exigeant et de penser à long terme, donc l’avenir, a été un des facteurs de succès des Chinois. Le plan d’investissement 2030 présenté en fin 2021 par Emmanuel Macron cherche à renouer à cette nécessité de penser l’avenir, notamment dans le domaine des hautes technologies et dans un développement plus respectueux de l’environnement. Mais notre société de consommation, qui a tendance à privilégier des résultats rapides, devrait chercher à retrouver ses vertus de construction. Ce qui a fait par exemple le succès d’Henry IV, qui a progressivement construit une société française prospère, et qui a participé à terme à la construction d’une grande puissance mondiale, devrait être retrouvé. La concurrence chinoise va d’ailleurs sans doute nous y obliger. Mais l’état de la société actuelle peut faire dire que le chemin à faire sera difficile.