LES MODELES ECONOMIQUES ALTERNATIFS : UN APPORT PAS ASSEZ UTILISE

La réalité  montre souvent que l’économie est stratégique en politique. Pour Kant en effet le premier aspect de la puissance est l’argent. Or en France nous avons tendance à subordonner l’économie à la politique. Or cela n’a pas toujours été le cas : lors du congrès d’Epinay en 1971 Mitterrand disait que la révolution politique était secondaire par rapport à l’économie. De la même façon Marx a étudié de façon très approfondie l’économie pour pouvoir mettre à bien sa théorie du matérialisme dialectique. C’est la raison pour laquelle l’économie et son impact peut avoir tendance à être sous-estimée en France : on la subordonne à la politique, alors que la réalité est souvent le contraire.

Je suis personnellement partisan du modèle de l’économie sociale et solidaire. Ce modèle cherche à concilier la croissance économique et l’impact social. En effet on peut considérer que cette double approche peut contribuer à créer une croissance durable et inclusive, favorise la création d’une classe moyenne formée et plus nombreuse, une classe moyenne qui est souvent le socle de la société. Ce modèle prône un capitalisme à visage humain, mais qui garde également des valeurs comme celle de travail et d’exigence, des vertus du capitalisme que même Marx complimentait. Cependant ce modèle est trop marginal. Nous vivons dans un modèle trop souvent au service des grandes entreprises, dont même Adam Smith disait qu’il fallait se méfier. Ce modèle crée des distorsion de concurrence, est particulièrement difficile à surmonter et seuls certains facteurs peuvent permettre de le combattre : une volonté politique forte mais elle est trop souvent absente aujourd’hui ; et l’émergence d’autres acteurs comme l’économie sociale et solidaire, qui a son rôle à jouer dans le monde d’aujourd’hui.

Ce modèle capitalistique a des points communs avec les principes de la gauche réformiste du XIXème siècle : Fourier, Saint Simon, ou même des anarchistes comme Proudhon trouvaient intéressants des modèles alternatifs au capitalisme « classique ». Keynes a voulu réconcilier ce modèle alternatif et la possilité de peser vis-à-vis de l’économie classique. En effet des « micro résistances » défendues par Michel Onfray peut être intéressants en principe : mais en réalité ils ne suffisent souvent pas pour peser face à des multinationales. Une des originalités de l’approche keynésienne est de savoir raisonner « stratégiquement » : se concentrer sur la pensée économique et la bourse, et cette réconciliation du monde de la pensée et de l’argent est très intéressante pour la philosophie, ce qu’on ignore trop souvent : pourquoi séparer le monde de la pensée et celui de l’argent, comme on le fait trop souvent ? Keynes contribue fortement à un décloisonnement de ces deux mondes. Par ailleurs son schéma est à mon sens réaliste : penser un modèle alternatif efficace est également la possibilité de pouvoir peser ; or se concentrer sur la pensée économique d’un côté et sur les marchés financiers de l’autre est un modèle capable de peser vis-à-vis de l’économie classique. Selon moi l’économie sociale et solidaire pourrait contribuer à plus peser en se concentrant sur ces aspects.

Le modèle keynésien insistait aussi sur les vertus d’une éducation exigeante, sur le fait de penser à long terme… autant de vertus trop souvent oubliées. Il avait également la possibilité de mettre l’économie dans le champ de la pensée et pas de la science, comme le font les néo libéraux et les marxistes.

Ces modèles alternatifs doivent être également pensés pour pouvoir jouer un rôle dans le monde d’aujourd’hui. La pensée économique doit pouvoir contribuer à former des citoyens avec plus de sens critique, et les marchés financiers devraient être allégés de produits financiers extrêmement complexes mathématiquement mais qui permettent tous les abus dans un monde économique qui n’est pas une science exacte, qui ressemble bien plus à un jeu d’échecs qu’à des théorèmes mathématiques. Peut être faut il également regarder d’autres approches : par exemple la Chine d’aujourd’hui se concentre sur le développement économique et le progrès scientifique. Ces approches très pertinentes à mon avis devraient être mises en avant dans l’économie sociale et solidaire. C’est la raison pour laquelle se modèle devrait participer à la bataille pour l’innovation, celle de la création de nouveaux modèles dans les marchés financiers, participer à des débats approfondis dans le cadre de la pensée économique, mais également philosophique (dont la richesse de l’apport est bien souvent sous estimée). Si selon moi il faut être réaliste en ne se coupant pas de l’aspect financier des choses, le développement devrait être beaucoup plus inclusif et se concentrer sur des projets à long terme. Il s’agirait de revenir à l’idée d’investissement keynésien, et de son idée de multiplicateur d’investissement, où les dépenses d’aujourd’hui peuvent conduire à plus d’enrichissement demain. L’économie sociale et solidaire peut, de ce point de vue, participer à ces objectifs.

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