Les élections qu’on vit actuellement sont un révélateur de bien des tendances de la société française. Zemmour est un polémiste très talentueux et qui a le mérite, sur bien des plans, de relever le niveau du débat. Si personnellement je ne soutiens pas beaucoup de ses idées, il fait des constats qui ne devraient pas être bassement ramenées à des obsessions. Mais comme disait Fabius « le problème du FN ce ne sont pas les constats mais les solutions ».
Depuis l’épisode des gilets jaunes Macron est retourné vers l’idée d’Etat providence. Il l’a montré lors de la crise du COVID et semble rester dans cette logique avec son plan d’investissement 2030. Il semble donc se situer dans une logique d’Etat stratège plus proche d’idées de centre gauche. Il revient donc à un socle idéologique qui lui avait relativement réussi, à mon sens, lors des élections de 2017. Face au vide laissé par la situation des partis traditionnels : les Républicains ont du mal à trouver un second souffle et le parti socialiste est dans une situation catastrophique, Zemmour semble donc, comme il le dit lui-même, « entrer comme un chien dans un jeu de quilles ».
Dans l’absolu, Zemmour a bien peu de chances (et c’est tant mieux selon moi) de battre Macron s’il était au second tour contre lui. Cependant sa percée est révélatrice de deux tendances. La première est qu’il représente la voix d’une population en voie de déclassement dans la mondialisation, et qui se tourne vers l’extrême droite. Sartre, dans son livre « sur la question juive », disait déjà que l’antisémitisme était lié à la petite bourgeoisie en voie de déclassement et qui cherchait un bouc émissaire. Il y a selon moi certains points communs, même si c’est de façon très atténuée. La disparition progressive de l’industrie française, la baisse dramatique du niveau d’éducation, le cloisonnement de nombreuses zones rurales sont des facteurs de déclin qui peuvent être récupérés par des personnes comme Zemmour.
La seconde, et c’est plus à l’honneur du polémiste, est le rejet de la médiocrité du monde politique. Zemmour est un polémiste brillant, très cultivé, et son approche de la politique est très stimulante. Pour ces raisons son succès semble logique. La médiocrité du monde politique, corrompu, amateur de petites phrases stériles, montre qu’il y a une envie de relever le niveau du débat. C’est bien triste que cela profite à une personne d’extrême droite, même avec peu de chances d’être élu. Mais cela devrait constituer comme un avertissement supplémentaire pour une classe politique à qui 80% des français n’ont aucune confiance. Mais cela ne devrait pas changer grand-chose. Comme disait Calvin, le pouvoir appartient aux hommes « méchants » (à de rares exceptions) et si on veut vraiment faire avancer les choses il est plus pertinent dans d’autres directions. Il vaut mieux peut-être, comme le conseillait Camus, faire de la politique « au sens noble » hors des sentiers battus.