LE CYNISME EN POLITIQUE : UNE TRISTE REALITE QUI A TOUJOURS EXISTE

Que penser de la condamnation de Nicolas Sarkozy pour corruption ? Personnellement j’ai été triste de cette condamnation, de la part d’un politicien qui, malgré tout, restait plus cohérent dans ses idées que bien d’autres, même si je ne suis pas d’accord avec sa vision des choses. A faire désespérer de la politique.

Pourtant il ne faudrait pas s’étonner. Comme disait Hobbes, « l’homme est un loup pour l’homme ». Selon le penseur anglais les citoyens devraient léguer par contrat leur citoyenneté à un Léviathan, sorte de souverain. Il disait d’ailleurs le contraire d’Aristote, selon lequel l’homme est un « animal social ». Point commun entre les deux penseurs : la volonté de « scientifiser » leur approche.

Au fond la politique est bien souvent cynique. Calvin disait que les hommes de pouvoir devaient être méchants et les « bons » devaient être dans la sphère religieuse, sociale ou intellectuelle. Cela montre que le pouvoir n’attire que minoritairement la vertu. Platon parlait déjà de l’anneau de Gygès, qui montre que la maîtrise d’un pouvoir (ici la possession d’un anneau qui rend invisible) permet aux vices de s’exprimer. Bien plus tard, Condillac disait que « le vice est supérieur à la vertu » ; ou Mandeville parlait de la fable des abeilles, selon laquelle ce sont les pulsions égoïstes qui permettent de construire une vraie société.

Les politiciens « vertueux » sont en réalité très rares. On peut citer deux exemples : Caton et Lincoln. L’un vient de l’Antiquité, l’autre a fait la guerre de sécession. Les deux personnages ont fait, selon moi, de la politique au sens noble. Mais dans l’histoire ce sont deux cas très rares. Au fond, comme disait Spinoza, la société est d’abord un rapport de forces, si on veut arriver à la « béatitude » et véritablement « persévérer dans son être » (ce qu’il appelait le conatus) il fallait sortir des sentiers battus. Cette recette de la discrétion, d’une action vertueuse mais discrète, a été reprise de façon très différente par Camus. Ses engagements extraordinaires, sur bien des plans, l’ont été de façon toujours discrète et parfois secrète. C’est ce qui fait son charme, mais également son efficacité. La vie hors des sentiers battus est souvent bien plus libre à mon avis. C’est également un meilleur terrain pour faire de la politique « au sens noble » que « à la lumière ».

Malheureusement, du point de vue de la moralité, les Sartre sont légion à côté des Camus. La politique reflète ces rapports de force. Elle reflète aussi ce qu’est bien souvent la nature humaine. C’est pourquoi mener un engagement politique au sens noble doit se faire sur le terrain et par la discrétion. De nombreux terrains d’action sont d’ailleurs possibles. Mais l’objectif de faire avancer les choses par des actions discrètes et souterraines peut être un moyen de faire de la politique sans tomber dans de nombreux travers tels que l’entre soi malsain ou la corruption.

Mais la réalité dans laquelle nous vivons ne doit pas prêter à illusion. Pensons par exemple à Raymond Barre, réputé comme honnête, mais qui en réalité avait créé un système d’évasion système d’une complexité à la hauteur de sa réputation d’économiste. La confiance est difficile à gagner dans un tel contexte. Mais pourquoi ne pas chercher des terrains d’action ailleurs quand on croit à la beauté et l’utilité de l’engagement politique ? Les engagements associatifs, l’entrepreneuriat social, etc, sont des terrains qui peuvent être épanouissants dans cette optique. Ils semblent en tout cas moins décevants à terme que la fameuse envie de « changer les choses », bien souvent en vain.    

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